CACTUS: Black Dawn (2016)

Le dernier album de Cactus vient de tomber ! Ce n’est pas une surprise, c’est une évidence : ces mecs sont toujours au sommet de leur art ! Ce disque va éclater les dents de tous les détracteurs qui pensent que ce groupe n’a plus de jus et qu’il appartient au passé brumeux des seventies. Dès le début, on est au parfum avec « Black Dawn » et sa rythmique à la limite du hard rock. La frappe de Carmine Appice et le son de guitare de Jim McCarty (les deux seuls rescapés de la grande époque) préviennent que ça va faire mal. Le chanteur Jimmy Kunes (ex-Savoy Brown) se défonce à mort et Mister Jim balance un solo qui vrille le ventre et fait vibrer les oreilles. Le tempo se ralentit un peu sur « Mama Bring It Home » mais ça cartonne quand même fort avec un refrain que ne renieraient pas les types de Judas Priest. La six-cordes s’enroule comme un serpent autour de l’auditeur pour lui asséner en pleine face un solo bien rock. Avec « Dynamite », c’est parti pour un boogie-rock endiablé qui fait taper du pied et dont seul Cactus a le secret. Randy Pratt souffle comme un démon dans son harmonica et Jim McCarty slide comme un fou. Place au blues-rock mid tempo avec « Juggernaut » et sa ligne rythmique torturée. Ce titre très réussi évite le piège du remplissage lourdingue et prouve que les musiciens de Cactus maîtrisent parfaitement leur sujet (alors que d’autres se servent de ce style pour boucher les trous sur leurs albums). La guitare « élastique » de Jim fait des ravages en envoyant un solo digne de la grande période du combo. « Headed For A Fall » tape dans le registre du jump blues-boogie et propose un programme alléchant : un tempo infernal, un harmonica diabolique et une gratte qui vomit de la cire fondue. Sur le syncopé « You Need Love », proche du jazz-rock, l’harmonica et la guitare jouent des phrases à la tierce. Génial ! Ensuite, on touche au sublime avec « The Last Goodbye », un slow instrumental à la mode hard rock (entre Scorpions, Judas Priest et une pincée de 38 Special). Le thème principal est souligné par des phrases de guitare à la tierce impériales. Sur la fin, Mister Jim se lâche avec un solo à faire pleurer les amateurs de six-cordes hurlantes. La grande classe ! « Walk A Mile » commence comme une ballade à la guitare acoustique mais… erreur ! Après cette intro trompeuse, on embraye sur un rock à fond les manettes. La voix de Jimmy Kunes fait des prouesses et se marie à merveille avec le solo de gratte hyper rock marqué du style de Jim McCarty (tirés de cordes et notes triturées à l’extrême). Pour finir, Cactus nous offre une bonne surprise en proposant deux titres inédits, datant de l’âge d’or du groupe, avec Tim Bogert à la basse et Rusty Day au chant. L’instrumental « Another Way Or Another » démarre lentement pour se transformer en boogie/blues-rock chauffé à blanc avec une guitare wah-wah. Vient ensuite « C 70 Blues » avec le grand Rusty Day. En guise d’intro, Jim McCarty se lance tout seul dans un délire de « guitar hero » (l’ingénieur du son a dû avoir bien mal aux oreilles). Puis les musiciens entament un blues lent qui décape avec la voix inimitable du regretté Rusty Day (qui refile des frissons) et la guitare torride de Mister Jim. Ces deux inédits remplissent une double fonction. Non seulement ils constituent un trésor pour les fans du groupe mais ils sont aussi la preuve flagrante de sa légitimité. Ces deux anciens morceaux ne tranchent absolument pas avec les nouveaux. Hormis le son d’origine, on a du mal à croire qu’une quarantaine d’années séparent ces deux pépites oubliées des derniers titres en date. Le dernier disque de Cactus génère une impression d’homogénéité et de talent intemporel. Dans les années soixante-dix, Cactus ne sonnait comme aucun autre groupe. Il sonnait comme Cactus. Et en 2016, c’est la même chose. Cactus sonne comme Cactus, comme si c’était hier. Incroyable !

Malheureusement, qui cela va-t-il intéresser ? Les anciens ? Les musiciens ? Les passionnés ? Au final, très peu de monde. Quel dommage ! Pourtant, les jeunots fans de hard rock et amateurs de sensations fortes feraient bien de se pencher sur ce disque génial. En faisant gaffe tout de même car, après avoir écouté cette galette sulfureuse, personne (jeunes ou vieux) n’en ressort indemne. Á quand le passage de Cactus dans un festival de hard rock ? Ce serait l’hystérie assurée! Long live to good music!

Olivier Aubry